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Nos sols sont vivants et doivent le rester

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L. Ranjard a fait découvrir au groupe tout l’intérêt d'une bonne vie biologique dans les sols

Les sols agricoles sont parfois décrits comme en mauvais état du point de vue de la vie microbienne et certains nous annoncent une catastrophe avec des sols qui seraient morts !

 

Ce tableau alarmiste n’est pas partagé par Lionel Ranjard, directeur de recherche à l’unité agroécologie de l’INRA de Dijon et spécialiste des micro-organismes du sol.
Son intervention à l’occasion du 40ème anniversaire du GEDA du Fismois dresse un tableau plutôt positif de l’état des sols agricoles français. Il annonce à brève échéance l’arrivée d’outils de diagnostic permettant d’ouvrir la dimension de la vie biologique à des diagnostics de routine facilement accessibles.

Les sols : des millions d’espèces  de bactéries et de champignons

Lorsque l’on parle sol, c’est de manière plus générale le support sur lequel nous vivons, bâtissons ou faisons pousser les cultures. C’est ce dernier aspect qui nous préoccupe puisque c’est la base de nos fermes. Si les sols partent (cas de l’érosion) il n’y a plus d’agriculture possible !
La vie du sol est un compartiment à plusieurs étages (du plus grand au plus petit) : macrofaune, mésofaune, microfaune, micro-organismes qui au total représentent environ 30% de la biodiversité de notre planète. Rien que les micro-organismes représentent 1 million d’espèces et sont au nombre de 1 milliard par gramme de sol.
L’abondance de cette vie dans le sol contribue à sa fertilité au sens large à travers plusieurs aspects :

  • la stabilité structurale : un sol avec une flore appauvrie est plus fragile (battance, érosion) ;
  • minéralisation de la matière organique, recyclage du carbone et des nutriments ;
  • lutte contre les pathogènes en évitant de leur laisser la place libre.

Ces qualités sont directement influencées par la diversité des espèces microbiennes. Ainsi lorsque la diversité des espèces diminue on observe une moindre dégradation de la matière organique, ou encore une prolifération de certains pathogènes. De manière plus pratique la croissance des plantes est favorisée par cette diversité.

Diversité et abondance ne vont pas de pair

Paradoxalement, là où la flore est la plus abondante elle n’est pas la plus diversifiée. En effet sous l’effet d’une perturbation les espèces vont devoir s’adapter et laisser la place à d’autres peu présentes, augmentant ainsi la diversité. Ceci explique, au moins en partie, que les pratiques agricoles peuvent avoir un impact positif alors qu’on peut les penser plutôt défavorables.
L’abondance et la diversité de la flore microbienne sont toutefois sous l’influence directe du milieu. Ainsi le type de sol et ses caractéristiques physico-chimiques sont le facteur numéro un. L’usage du sol (forêt, prairie, cultures, vigne) ne viennent qu’après et enfin le climat. Pour avoir une vie microbienne abondante mieux vaut un argilo-calcaire qu’un sable des Landes !
A l’échelle agricole les mesures faites dans un essai longue durée à Boigneville (site Arvalis) comparant sol nu/labour/non-labour/cipan montrent que les cipan avec plusieurs espèces (crucifères et légumineuses) ont un effet positif sur ce point. Le non-labour apparaît également plus favorable en limitant la perturbation de l’habitat, sans que le labour ne se révèle pour autant très négatif.
Parmi les facteurs favorables, des apports de matière organique ont un effet positif. Toutefois des couverts implantés en interculture (courte ou longue) peuvent contribuer également à favoriser la vie microbienne dans le sol.
Plusieurs facteurs interagissent et finalement peuvent tamponner certains effets négatifs. L. Ranjard estime à partir du réseau de surveillance de la qualité des sols français que seuls 10% ont une fertilité biologique faible et sont dans un état préoccupant. Ce sont surtout des sols viticoles, non couverts et soumis à la compaction. La majorité des sols (60%) est dans un état moyen et donc à ce titre demande une certaine vigilance.

Comment juger l’état biologique des sols

Le projet Agrinov qui a réuni agriculteurs, organismes de développement et chercheurs en biologie des sols a débouché sur la création de diagnostics synthétiques sur l’état du sol. A partir de différents tests plus ou moins élaborés, une grille permet de juger l’état du patrimoine biologique du sol (abondance, équilibre) et de la fertilité biologique (évolution de la matière organique dans le sol). Ces tests ont amené les agriculteurs-participants à faire évoluer leurs pratiques pour améliorer la vie du sol.
Ces bio-indicateurs sont en cours d’adaptation pour réaliser des tests en routine et surtout à un moindre coût qui permettra de les utiliser à une large échelle et d’adapter les pratiques culturales. Ils viendraient alors compléter l’analyse de sol classique. Ils devraient être opérationnels en 2021.

La vie microbienne dans les sols de grandes cultures est plutôt bonne et le développement des couverts est un facteur très positif. Le travail du sol a son importance et les débats entre agriculture « classique » avec labour partiel et agriculture de conservation ne sont pas tranchés ! Cette dernière est effectivement plus favorable à la vie du sol, mais d’autres enjeux doivent entrer en ligne de compte.
Favoriser la diversité des bactéries et des champignons dans un sol c’est améliorer sa fertilité. Si l'on a conscience de pouvoir agir positivement sur celle-ci, on peut mettre en œuvre des moyens pour l'améliorer tout en protégeant le capital sol.