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Fumure de fond : contenir la dépense face aux prix qui flambent

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En situation pauvre, 45 kg de phosphore localisés font beaucoup !

Le poste fumure de fond a été mis sous pression avec les années tendues en trésorerie que nous connaissons. Désormais c’est le prix des engrais, en particulier du phosphore, qui repart à la hausse après plusieurs années de stabilité. En quelques mois nous sommes passés d’un prix de P de 230 €/t à 450 €/t soit quasiment 1 €/kg de P2O5 ! Et le DAP, très utilisé en application localisée, en particulier en agriculture de conservation, est passé de 320 à 520 €/t ! Face à une telle hausse, il n’est pas possible de conserver les pratiques habituelles. Voici quelques pistes pour adapter la voilure à cette envolée des prix.

Fertiliser les cultures les plus exigeantes en priorité !

La betterave ou le blé ne sont pas égaux face à la carence ! Les classes d’exigences des cultures sont les critères à retenir pour fertiliser en priorité.

Ainsi on voit que les deuxiemes pailles ne sont que moyennement exigeantes en P. Elles peuvent donc se passer d’apport en sol bien pourvu, et les blés assolés peuvent supporter une impasse.

Adapter les apports aux exportations

Dans la méthode Comifer, on calcule les fumures à partir des exportations en leur affectant un coefficient déterminé par le niveau de réserve du sol, le passé de fertilisation et l’exigence de la culture. Si les coûts des engrais augmentent fortement, il est possible de réduire les apports, quitte à perdre un peu de productivité, le bilan économique n’en sera pas altéré. L’objectif doit être de couvrir les exportations à l’échelle de la rotation. Le tableau ci-dessous précise les quantités de P et K exportées. Ces valeurs doivent être aussi ajustées aux rendements. On ne réalise pas les mêmes apports pour 60 ou 90 t de betteraves !

Si on exclut la luzerne et la betterave, grosses exportatrices de P et de K, on voit que 40 à 50 kg de P2O5 couvrent les exportations des cultures, et 30 à 40 kg suffisent en K2O. Sur les cultures industrielles, un apport réduit à court terme ne pose pas de problème. Les situations que l’on identifie comme difficiles sont plutôt celles où les teneurs du sol sont basses (moins de 200 ppm en JH en craie par exemple).

Quel type d’engrais

Actuellement en raison du coût élevé du DAP (18-46-0) : 100 kg/ha = 52 €, certains s’interrogent sur l’alternative. Faute de disposer d’une formule N+P pouvant être une alternative, on privilégiera le phosphore pour la localisation, et l’azote plus mobile peut être apporté en plein et enfoui, si c’est possible. L’économie potentielle n’est cependant pas toujours évidente selon le différentiel de prix entre Super 45 et DAP. Faites votre calcul !
Certains engrais sont présentés comme contenant du phosphore « protégé » grâce à un process particulier qui évite la rétrogradation et permettant de réduire les doses apportées. Nous avons peu de recul quant à leur intérêt, mais ils sont nettement plus chers que le classique Super 45, ce qui réduit leur intérêt économique.
Les engrais simples sont parfois boudés au profit de formules complexes permettant de simplifier les chantiers. Ils sont pourtant à privilégier car plus avantageux, tant sur le plan technique (ajustement des apports aux besoins) que sur le plan économique (moindre coût/unité).

Optimiser les apports pour éviter les pertes et disposer l’engrais à proximité des racines

Un apport doit être fait le plus près possible des besoins, et doit être enfoui. C’est particulièrement vrai pour le P2O5. On apportera donc en été avant colza, voire en septembre sur céréales d’hiver et en sortie d’hiver avant culture de printemps ! En été, lorsque les températures sont élevées, l’enfouissement rapide évite la rétrogradation du phosphore qui peut être élevée dans ces conditions. La potasse et surtout le phosphore migrant peu dans le sol l’enfouissement permet de mettre l’engrais là où sont les racines des plantes. Rappelons qu’en situation carencée un apport en couverture de P2O5 sur blé d’hiver ne récupère qu’une partie de la perte de rendement (30 à 50 % selon les situations) par rapport à un apport enfoui avant le semis. La localisation est une technique intéressante pour assurer une bonne disponibilité des éléments minéraux. Mais les apports doivent couvrir les exportations à l’échelle d’une rotation !

Valoriser les organiques

Les effluents d’élevage ont longtemps été négligés, mais désormais leur valeur fertilisante est reconnue et doit être intégrée comme une alternative aux engrais minéraux. Les composts organiques du commerce ont également une valeur P-K-Mg généralement équivalente en efficience à celle des engrais, et leur prix (jusqu’à présent) a peu augmenté. Le tableur comparatif technico-economique (disponible ici) permet de calculer leur coût d’opportunité. Toutefois certains produits obtenus à partir de déchets verts ont un coefficient d’équivalence en P de l’ordre de 50-60 % contre 80-85 % pour des fientes par  exemple. Il est donc important de connaître la nature et la composition du compost qui vous est livré.

Méthode COMIFER : évolution des seuils Olsen

La méthode Olsen d’extraction du P2O5 qui est de plus en plus utilisée par les laboratoires d’analyses de sols repose sur des valeurs d’interprétation construites à partir des analyses réalisées en Joret-Hebert (pour les sols calcaires). En craie le coefficient d’équivalence a été revu et les seuils ont été réévalués. Les valeurs retenues sont désormais les suivantes.


(en grisé les valeurs qui ont été revues pour les sols de craie)


Si vous avez des analyses réalisées en Olsen avant fin 2020, elles ont certainement été interprétées avec les anciens seuils qui conduisaient à un conseil de fumure en phosphore soutenu. N’hésitez pas à demander à votre conseiller pour revoir les calculs avec les nouveaux seuils !

Plusieurs leviers à actionner

On voit qu’il n’y a pas qu’une solution pour limiter la hausse du poste engrais de fond mais plutôt une combinaison de choix de fertilisation et de techniques d’apport. Chaque exploitation a ses contraintes de sols et de rotation qui lui sont propres et qui déterminent les choix les plus judicieux. Pour vous aider dans vos réflexions et vos choix, les conseillers sont à votre disposition. N’hésitez pas à les solliciter !