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Changement climatique : la conduite des cultures doit s'adapter

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Les adhérents de 3 GEDA du sud-ouest attentifs à la thématique du changement climatique

Plus de 50 adhérents sur Champ'Argonne

2018, année la plus chaude enregistrée en France depuis 1900. Difficile de ne pas y voir un signe supplémentaire du changement climatique !

Comme toute activité humaine, l'agriculture a sa part de responsabilité dans ce phénomène, étant à l'origine d'environ 20 % des émissions de gaz à effet de serre, sylviculture comprise. Sont en cause notamment le protoxyde d'azote, dont le pouvoir de réchauffement est 310 fois plus élevé que celui du gaz carbonique, et le méthane.

Les enjeux sont doubles pour l'agriculture. Elle doit s'adapter à cette évolution tout en cherchant à atténuer le phénomène, que ce soit en réduisant les émissions de gaz à effet de serre (moindre recours aux engrais de synthèse, moindre volatilisation de l'azote…) ou en séquestrant du carbone.

Bertrand DUFRESNOY, expert climat à la Chambre d'agriculture de Haute-Marne, est intervenu à l'Assemblée Générale des GEDA de Sézanne Anglure, Plaine 2000, et Monts de Champagne pour présenter cette évolution du climat et en brosser les grandes conséquences sur les cultures. Mélanie FRANCHE d'Arvalis a ensuite détaillé des adaptations techniques envisageables, une intervention qu'elle a renouvelée lors de l'Assemblée Générale du GEDA Champ'Argonne.

Le réchauffement va s'accélérer

Le changement climatique est en route. Les anomalies de températures sont d'une ampleur croissante et les températures de plus en plus élevées. Et à partir de 2040, les climatologues prévoient une accélération du réchauffement liée à l'accumulation de gaz à effet de serre dans l'atmosphère si aucune action n'est entreprise pour l'enrayer. A la fin du siècle, l'augmentation des températures pourrait atteindre près de 4°C à l'échelle du globe (cf. graphique 1).

Graphique 1 : Evolution de la température au niveau du globe (AR5 CMIP5)

L'évolution de la température est indiquée pour plusieurs scénarios RCP (différence entre les rayonnements entrants et sortants, différence liée à la quantité de gaz à effet de serre dans l'atmosphère)

La région ne devrait pas être épargnée : les températures moyennes qui y seront observées devraient correspondre à celles de Toulouse dans les années 1970. Les années les plus froides auront alors des températures de même niveau que les années les plus chaudes observées auparavant (cf. graphique 2).

Graphique 2 : Température moyenne annuelle simulée pour la Marne
(source ANR/SCAMPEI, modèle Aladin, scénario A1B)

Le 1er décile correspond aux 10% des années les plus froides, le 9ème décile aux 10% des années les plus chaudes

Des sols de plus en plus souvent desséchés

Globalement les régions sèches devraient devenir encore plus sèches en été, ce devrait être le cas par exemple du pourtour méditerranéen. La région aura la chance d'être relativement épargnée et pourtant les sols, même profonds, devraient connaître un épuisement de plus en plus long de leur Réserve Utile. En cause, la forte progression de l'ETP (Evapo-Transpiration Potentielle) liée à l'augmentation de la température. Ainsi, à la fin du siècle, l'humidité des sols devrait être en moyenne au niveau des records enregistrés dans les années 1970 (cf. graphique 3).


Graphique 3 : Nombre de jours avec une Réserve Utile de 160 mm potentiellement épuisée dans la Marne (source ANR/SCAMPEI, modèle Aladin, scénario A1B)

Le calcul est réalisé par la différence entre les pluies et l'ETP (Evapo-Transpiration Potentielle). S'il n'est pas parfait car il ne tient compte ni de la culture ni de son stade, il indique néanmoins la tendance à laquelle on peut s'attendre

Des conséquences sur les cultures

Le rendement des céréales plafonne depuis les années 90, des études démontrent que le changement climatique en est responsable à hauteur de 50 %. Les itinéraires culturaux et les choix variétaux doivent s'adapter.

Prenons l'exemple du blé. Les sommes de températures plus élevées permettront d'atteindre plus rapidement le stade épi 1 cm. La date des dernières gelées sera avancée, mais sans doute pas autant que le stade épi 1 cm. Il s'agira alors d'utiliser une variété de précocité à montaison adaptée et de la semer à une date permettant d'éviter le risque de gel en montaison.
La valorisation de l'azote devrait être peu impactée par ce changement climatique : les simulations indiquent qu'il ne devrait pas être plus difficile qu'aujourd'hui de recueillir les 15 mm de pluie nécessaires à une bonne absorption de l'azote dans les 15 jours qui suivent l'apport.
Le risque d'échaudage thermique devrait logiquement progresser. En réalité, celui-ci sera limité par un phénomène d'évitement : les sommes de températures plus élevées permettront une montaison accélérée de la céréale qui sera plus rapidement hors de danger. Et bien sûr la moisson sera plus précoce.
Le sol sera de plus en plus souvent desséché. Il s'agira alors d'utiliser des variétés moins sensibles au manque d'eau. C'est dans ce but qu'Arvalis travaille sur la caractérisation des variétés présentant une moindre sensibilité au stress hydrique.

Nous avons cité l'exemple du blé mais aucune culture ne sera épargnée par ce changement climatique : les semis de betteraves seront plus précoces, obligeant la génétique à oeuvrer  pour des variétés moins sensibles à la montée à graines face à des épisodes de gel tardif ; les colzas pourraient profiter d'une meilleure croissance à l'automne s'ils ne sont pas impactés par une présence plus précoce des ravageurs.

Globalement, l'activité des ravageurs sera plus virulente et le parasitisme devrait aussi réserver quelques surprises, non pas en freinant mais en favorisant les conditions de multiplication et de reproduction. Par exemple, on peut s'attendre au maintien jusqu'au printemps des pucerons arrivés sur les blés à l'automne, d'où un risque accru de Jaunisse Nanisante de l'Orge... C'est peut être un des plus gros enjeux que nous devrons gérer demain sur nos exploitations.

A n'en pas douter, le changement climatique aura de nombreuses conséquences techniques. Chacun devra progressivement modifier ses pratiques culturales et ses itinéraires techniques pour s'y adapter. Le partage d'expériences mises en place par chacun sera profitable à tous pour atténuer les conséquences de ce changement climatique.